Briser les barrières, construire l’avenir : le parcours de Tina Feng vers une bioéconomie inclusive

Le parcours vers une carrière épanouissante peut souvent ressembler à une expérience scientifique complexe : un processus d’essais, d’erreurs, d’adaptations et de découvertes. Pour Tina Feng, une ancienne scientifique en fabrication de réactifs à Standard BioTools Inc, la quête de connaissances et de réussite professionnelle ne consistait pas seulement à maîtriser la biologie moléculaire; il lui fallait briser les barrières et démontrer que l’accessibilité et l’excellence peuvent aller de pair.

Son parcours dans l’univers des biosciences a commencé par une source d’inspiration inattendue : un film. « Mon parcours a commencé lorsque j’ai entendu pour la première fois le terme biotechnologie dans le film Hulk, ce qui a piqué ma curiosité », se souvient-elle.

Cette étincelle s’est transformée en flamme lorsqu’elle a pris conscience des inégalités en matière d’éducation entre ses classes pour personnes sourdes et malentendantes et le programme scientifique régulier. Déterminée à établir un pont entre ces deux rives, elle a fait pression pour un accès équivalent à celui de ses pairs entendants, allant jusqu’à suivre des cours d’été et du soir pour obtenir ses crédits.

« J’ai réussi trois majeures en sciences aux niveaux collégial et universitaire au National Technical Institute for the Deaf (NTID) et le College of Science, qui font tous deux partie du Rochester Institute of Technology (RIT), explique-t-elle. Ma première majeure était la technologie des sciences de laboratoire (LST), un diplôme d’Associate of Applied Science (AAS) fondé par Todd Pagano. J’ai ensuite obtenu un baccalauréat ès sciences en biotechnologie et biosciences moléculaires et poursuivi une maîtrise en bio-informatique. »

Malgré ces qualités impressionnantes, l’accès au marché du travail présentait une autre série de défis. « En 2015, je suis revenue au Canada. J’ai travaillé et fait du bénévolat dans divers postes non liés aux sciences, mais il m’était difficile d’obtenir un emploi durable dans le secteur des sciences de la vie », ajoute-t-elle.

Sa situation a changé en 2017 lorsqu’elle a entendu parler du programme de subventions salariales du Fonds d’intégration de BioTalent Canada.

« Le programme m’a fourni la possibilité de travailler sur un projet de recherche et développement de huit mois à Mirexus Biotechnology, à Guelph (Ontario) », se souvient-elle.

Cette expérience a constitué davantage qu’un tremplin pour sa carrière : elle a été l’occasion de rendre hommage à son défunt grand-père et à des amis décédés de suites de problèmes de santé et a propulsé sa passion pour la recherche.

Éliminer les obstacles en milieu de travail

Naviguer en milieu de travail en tant que scientifique sourde signifiait se heurter à des barrières systémiques, notamment en matière de communication. « J’avais de la difficulté à accéder à l’information pendant les réunions en personne lorsque les Interprètes en langage des signes ou le sous-titrage n’étaient pas accessibles, explique-t-elle. Je me suis souvent sentie exclue des discussions et des prises de décision. »

Déterminée à changer le cours des choses, elle a demandé certains accommodements dans son milieu de travail. « J’ai informé la direction et les ressources humaines de la nécessité d’apporter des accommodements dans le milieu de travail. L’accès à un Interprète en langage des signes, à des communications écrites et/ou au sous-titrage codé a assuré une meilleure inclusion et une communication efficace. »

Elle a également aidé ses employeurs à adopter des pratiques favorisant un milieu de travail plus accessible. « Un exemple a été de les mettre en contact avec les Services canadiens de l’ouïe (SCO) pour aider à instaurer un milieu de travail plus inclusif, dit-elle. Le personnel du SCO a facilité les discussions et encouragé l’organisation à participer à une formation de sensibilisation à la surdité. »

Même dans son travail quotidien, elle a suggéré de petits changements significatifs pour améliorer l’accessibilité. « Lorsque je me suis jointe à un nouvel employeur pendant la pandémie de COVID-19, en 2020, j’ai demandé à mon supérieur immédiat, par courriel, d’utiliser Microsoft Teams pour les réunions d’équipe, parce qu’il comprend le sous-titrage codé. J’ai également recommandé de mettre à niveau le site Web de l’entreprise pour ajouter une fonctionnalité d’accessibilité. »

Changer les perceptions des employeurs

L’un des plus grands obstacles à l’embauche d’employés malentendants est l’hésitation des employeurs en raison d’idées fausses sur l’accessibilité et la communication. « Les emplois en biosciences nécessitent souvent des compétences spécifiques, explique-t-elle, et les malentendus sur les capacités des personnes sourdes font qu’elles sont souvent ignorées dans le recrutement. Les employeurs devraient rendre le processus d’embauche plus inclusif en proposant des services d’interprétation en langue des signes ou de relais vidéo pendant les entrevues. »

Un autre défi courant dans le milieu de travail. « De nombreux milieux de travail dans le secteur des biosciences ne comptent que quelques employés sourds, ce qui peut les amener à se sentir exclus ou incompris, dit-elle. Les employeurs peuvent améliorer l’inclusion en formant le personnel à la culture et à la communication des personnes sourdes. »

Pour combler ces lacunes, elle propose des solutions pratiques. « Les employeurs peuvent fournir des interprètes, du sous-titrage et des aides visuelles, comme des instructions écrites et des diagrammes, suggère-t-elle. Parmi les outils utiles, citons Otter.ai pour le sous-titrage en direct, Interprefy pour les sous-titres en direct alimentés par l’IA et Canada VRS (Video Relay Service). »

Un avenir plus inclusif

En faisant la promotion de l’accessibilité dans sa propre carrière, Tina a contribué à ouvrir la voie aux futures générations de professionnels sourds et malentendants dans le domaine des biosciences. « La mise en œuvre de mesures d’accessibilité a entraîné un changement notable dans la culture du milieu de travail, relève-t-elle. Les barrières de communication ont été considérablement réduites, améliorant la collaboration et la compréhension entre les employés sourds et les collègues entendants. »

Son histoire constitue un puissant témoignage du potentiel inexploité des personnes handicapées et un rappel que le talent ne connaît pas de barrières, mais seulement des limites imposées par des systèmes et des présomptions obsolètes. « Embaucher une personne sourde apporte des atouts uniques dans un milieu de travail, tels qu’une capacité de concentration exceptionnelle, des compétences en résolution de problèmes et une pensée créative, affirme-t-elle. En embauchant des professionnels sourds, vous inspirez les jeunes générations à se voir dans ces rôles, prouvant qu’elles aussi peuvent poursuivre une carrière de scientifiques sourds. »

Tout comme la transformation de Bruce Banner en Hulk, le parcours de Tina a été fait de résilience, d’adaptation et de dépassement des limites que d’autres lui ont imposées. Cependant, dans son histoire, sa force ne découle pas de sa colère : c’est une question de défense des droits, de persévérance et du pouvoir de l’inclusion.

Pour en savoir plus sur la manière dont le programme InterAction pour le changement contribue à une bioéconomie plus inclusive, allez à biotalent.ca.