Entrevue avec Rob Henderson, président-directeur général, BioTalent Canada, le partenaire RH de la bioéconomie du Canada
Par Danielle Ouellet, communicatrice scientifique, Regard (mars 2016)
Regard. D’où est venue l’idée de créer un programme d’embauche qui s’adresse spécifiquement aux handicapés?
Rob Henderson. Notre mission est de nous assurer que l’industrie de la biotechnologie canadienne ait accès à des personnes compétentes. Nous mettons en contact les employeurs et les chercheurs d’emploi. Un projet de recherche sur les besoins, les défis et le recrutement dans notre secteur nous a fait prendre conscience que notre industrie démontrait le plus faible taux d’emploi de personnes handicapées. Nous avons voulu remédier à cette situation.
R. Qu’est-ce qui explique cette présence moindre de personnes handicapées dans les biotechs ?
R. H. Le profil des entreprises de ce secteur est un facteur important à cet égard. Quatre-vingts pour cent des entreprises sont des PME de moins de 50 employés, et dans la moitié d’entre elles, ce dernier nombre est inférieur à 10. La plupart n’ont donc pas la capacité, en termes de ressources humaines, de moyens financiers et d’expertise, d’aider ou de chercher des personnes handicapées.
D’autre part, les chercheurs d’emploi handicapés s’efforcent de trouver du travail auprès de ressources traditionnelles. Certaines personnes n’ont peut-être jamais même pensé à travailler dans une biotech, alors qu’elles ont la formation nécessaire. Et de son côté, un PDG qui a besoin d’un employé contacte des gens qu’il connait, des gens de son réseau qui ne compte habituellement pas de personnes handicapées. Il n’y pense tout simplement pas, et s’il le fait, il entrevoit l’expérience comme étant trop lourde ou trop difficile.
R. Comment le programme de BioTalent Canada peut-il simplifier cette expérience d’embauche?
R. H. Nous disposons de 1 M $ pour trois ans, financé en partie par le gouvernement fédéral par l’entremise du Fonds d’intégration pour les personnes handicapées, ce qui permet d’embaucher environ 90 personnes. Nous pouvons les préparer au travail, leur trouver un emploi et les aider à le conserver. Nous payons une partie de leur salaire pendant les neuf premiers mois d’emploi, soit entre 11 000 $ et 13 000 $. De plus, nous payons les couts d’aménagements de locaux, de services, de mobilier adapté. Il suffit que l’entreprise en fasse la demande, il n’y a pas de montant fixé d’avance, chaque cas est particulier.
Nous établissons aussi des partenariats avec d’autres organismes tels que des associations pour handicapés. Celles-ci nous permettent d’apprendre, de comprendre les besoins des personnes handicapées. Nous sommes ensuite en mesure de transférer des informations essentielles aux employeurs en vue d’une intégration optimale. Bien connaitre les besoins spéciaux de leurs employés est la clé du succès. Au cours des neuf mois de la subvention, un sondage est réalisé auprès des personnes impliquées. Nous souhaitons aplanir les difficultés d’embauche de personnes avec un handicap.
R. Y a-t-il des montants réservés pour le Québec, ou pour certains types de handicaps?
R. H. Le programme a débuté en octobre, et c’est alors que nous avons commencé à informer les entreprises. Il s’agit d’un programme national, et aucune limite n’est fixée pour une province ou une autre. Il n’y a pas de restriction quant au lieu. Et il n’y en a pas non plus quant aux types de handicaps.
R. Quel est l’avantage d’embaucher des personnes handicapées?
R. H. Les biotechs occupent un marché très stratégique. L’obtention de financement et l’accès à une main-d’œuvre qualifiée sont leurs deux principaux défis. Elles ont beaucoup à perdre en délaissant des personnes handicapées compétentes, détentrices de maitrises et de doctorats, qui peuvent contribuer à l’amélioration de la culture de l’entreprise et à la réalisation de ses objectifs.
R. Comment ce programme est-il reçu par les entreprises?
R. H. Nous avons énormément de demandes de renseignements de la part de biotechs que nous sentons très ouvertes à ce projet. Leur engagement est important : elles doivent signer un contrat avec BioTalent Canada pour confirmer leur intérêt. Par contre, une personne handicapée n’a aucun formulaire à signer : une simple déclaration d’intérêt suffit. Elle peut ensuite indiquer dans son curriculum vitæ ou sa lettre de présentation, au moment de ses démarches de recherche d’emploi, qu’elle a l’appui de BioTalent Canada.
R. Vous êtes-vous inspirés d’autres entreprises de ce genre ?
R. H. Non, nous n’avons pas modelé notre approche sur d’autres projets pour handicapés. Nous nous sommes cependant inspirés d’un autre de nos projets de subvention pour les jeunes diplômés qui cherchent du travail, ayant remporté un bon succès. L’an dernier, 165 jeunes ont démarré une nouvelle carrière dans quelque 70 entreprises. Une promotion efficace et un projet qui répondait bien aux besoins ont été des facteurs de réussite qui nous inspirent pour le programme à l’intention des handicapés. Les premières demandes sont arrivées sur nos bureaux tout récemment. Nous sommes très confiants quant à la réussite de ce programme.
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HR Microscope March 2016